Liberté et auto-discipline

« Sans liberté, il est impossible pour la personnalité de se développer pleinement. La liberté est la clé du processus tout entier, et la première étape arrive quand l’individu est capable d’agir sans l’aide des autres et devient conscient de lui-même en tant qu’être autonome »

Maria Montessori

Dans une classe Montessori, la liberté de mouvement, de parole et de choix d’activité ont pour but final, la liberté de penser.

Mais il ne s’agit en aucun cas d’un « laisser-faire tout ce qu’il veut » à l’enfant.

Bien au contraire ! Il s’agit de lui donner la capacité à connaître et reconnaître ce qu’il peut et doit faire, versus ce qu’il ne peut pas et ne doit pas faire, grâce à une connaissance de soi, des autres et des règles du groupe solidement ancrées.

Comment cela se vit-il concrètement ?

L’éducateur énonce clairement un cadre, suffisamment souple pour que l’enfant se sente libre d’évoluer, et suffisamment ferme pour être contenant et rassurant.

Pour aller plus loin…

Les définitions des mots « liberté » et « discipline » trouvées dans le dictionnaire peuvent faire croire que ce sont des notions opposées. Là où il y aurait discipline, il n’y aurait pas de liberté et inversement.

Les concepts de « discipline » et « liberté » selon Maria Montessori sont complètement différents. Pour elle, la liberté et la discipline sont les revers d’une même médaille. Si une partie de la pièce disparaît, elle n’a plus de valeur. Il est en conséquence impossible de séparer la discipline de la liberté. Afin de mieux comprendre ce point de vue, penchons-nous sur la place laissée à ces deux notions dans une classe Montessori.

« Il ne s’agit pas d’une pédagogie libertaire, et il faut continuer pour l’adulte d’assumer une posture d’éducation. »

Maria Montessori

La liberté dans la pédagogie Montessori

Les libertés données à l’enfant dans une classe Montessori en Maternelle

Dans l’ambiance de la Maison des Enfants, l’enfant a les libertés suivantes : 

  • la liberté de mouvement ;
  • la liberté de parler ;
  • la liberté de manger ;
  • la liberté d’aller aux toilettes ;
  • la liberté de sortir ou de rester dans la classe ;
  • la liberté de choisir une activité ;
  • la liberté de travailler ou non, d’être actif ou de regarder ;
  • la liberté de se consacrer à une activité tout le temps désiré (classe Maternelle)
  • la liberté d’explorer un sujet qui passionne

Ainsi, l’enfant a de nombreuses libertés, mais toutes ces libertés ont leurs limites.

Les limites de ces libertés

Afin de respecter le groupe, chaque liberté a ses limites :

  • La liberté de mouvement : les mouvements sont permis dans la mesure où ils ne dérangent pas une autre personne ;
  • la liberté de parler : l’enfant peut parler s’il ne dérange pas la concentration de l’autre et si la personne à laquelle il s’adresse est disponible pour l’écouter ;
  • la liberté de manger et de boire : il est expliqué que les encas et les boissons mis à disposition sont toujours partagés. L’enfant peut manger sa part, mais pas celles de ses camarades ;
  • la liberté de ne pas travailler : l’enfant est libre de s’asseoir et de ne rien faire dans la mesure où il ne dérange pas ceux qui sont en train de travailler. Il peut se promener dans la classe, mais toujours s’il n’importune personne  ; cependant, quand l’enfant semble ne pas savoir quoi faire, ou est tenté de chahuter, l’Éducateur doit aller à sa rencontre et le guider vers une activité
  • la liberté d’aller dehors : pour que cette liberté soit possible, l’enseignant doit d’abord préparer l’espace qui se trouve à l’extérieur, de façon à le rendre attractif et sécurisé. Il faut que les enfants puissent y explorer la nature, en prendre soin, ou encore aller y accomplir une tâche (mettre une table, par exemple). Cette liberté est donc tout à fait envisageable si l’ambiance extérieure est bien préparée
  • la liberté de choisir une activité et la liberté de la répéter : pour cela, l’enfant doit avoir accès au matériel qui est rangé à sa place et en bon état. Il lui faut également savoir comment se servir de ce matériel. Sachant qu’il n’y a qu’un exemplaire de chaque matériel en classe, une première limite à cette liberté de choix d’activité est alors posée. En effet, si l’activité est déjà utilisée par un camarade, l’enfant ne peut pas la lui prendre, mais il doit attendre son tour. Une seconde limite consiste dans le fait que l’enfant ne doive pas abîmer le matériel et ne pas en perdre de pièces. Lorsqu’il a choisi une activité, l’enfant peut l’utiliser toute une matinée ou même tous les jours, s’il le désire. Sa seule limite est qu’il en fasse une bonne utilisation et ne dérange pas un autre enfant avec. 

La liberté dans l’ambiance de la Classe 6-12 ans :

En classe 6-12 ans, l’enfant reste libre de répondre à ses besoins (bouger, aller aux toilettes, manger, boire, échanger etc.). Dans son travail, sa liberté va surtout être centrée sur l’organisation du travail personnel (je fais mes additions avant mes problèmes ou ma géométrie par ex), le placement dans la classe, le groupe avec lequel travailler, le sujet d’exposé à préparer, la poésie, le livre à lire, le moment de la collation, un petit temps de pause etc.

Mais comme en Classe Maternelle, sa liberté s’arrêtera où celle des autres commence : les déplacements et les conversations ne doivent pas déranger les camarades. L’Éducateur veille à ce que l’ambiance de la classe soit au travail, détendue mais calme pour laisser à chacun la possibilité de se concentrer et de travailler suffisamment pour se sentir progresser (clé de motivation essentielle).

Par ailleurs, l’enfant du Primaire pourra travailler ce qui le passionne mais, en aucun cas, il ne pourra travailler QUE ce qui le passionne ou… ne pas travailler ou refuser les « présentations » (leçons montessoriennes). Il bénéficie de la guidance de l’Éducateur, selon sa progression, pour l’ensemble des concepts qu’il a à apprendre selon le programme Montessori 6-12 ans et le socle commun de compétences.

La discipline dans une classe Montessori

Une discipline intérieure naturelle.

Selon Maria Montessori, tout enfant naît avec une discipline intérieure qui ne demande qu’à s’épanouir si nous, adultes, lui en donnons les moyens. Il est nécessaire de soutenir le jeune enfant afin qu’il déploie cette discipline intrinsèque à sa personne et puisse ainsi atteindre la liberté qui en découle. En fait, dans la nature, chaque être vivant est pourvu d’un ordre de conduite. Prenons l’exemple de la graine de pommier qui deviendra à son tour un pommier et qui suivra le cycle des saisons. Jamais elle ne dérogera de l’ordre qui est propre à sa nature. Il en est de même pour l’enfant ! Lui qui est la graine de la société à venir, a également un ordre de conduite que Maria Montessori appelait discipline intérieure ? Pour s’épanouir, cette discipline préexistante ne doit pas se trouver dans un environnement qui l’étouffe. L’adulte doit avoir confiance en l’enfant et lui donner les moyens de déployer cette discipline intérieure. L’enfant doit donc pouvoir se développer librement et acquérir le contrôle de soi. C’est en étant maître de lui-même que l’enfant pourra être libre. Par exemple, un enfant est libre de marcher, lorsqu’il maîtrise les mouvements nécessaires à la marche. 

Dans une classe Montessori, l’enfant est libre de se mouvoir dans la mesure où il ne dérange pas ses camarades. Pour cela, il doit être maître de ses mouvements et avoir conscience de ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Ainsi, à la Maison des enfants, toutes les activités proposées à l’enfant vont l’aider dans la maîtrise de son corps et, les activités de grâce et courtoisie, vont lui permettre de prendre conscience de ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans la société dans laquelle il vit.

Remarque

L’être humain est libre lorsqu’il sait ce qu’il peut faire ou non, lorsqu’il a pleinement conscience de ce qui est bon pour lui ou non, et lorsqu’il réalise ce qui est acceptable ou ce qui ne l’est pas.  

Comme le développement physique, le développement de la discipline évolue par phase. Maria Montessori en définit plusieurs sur lesquels nous allons désormais nous pencher.

« Laisser l’enfant faire uniquement ce qu’il veut alors qu’il n’a encore développé aucune capacité de contrôle, c’est trahir la liberté »

Maria Montessori

Les trois niveaux de discipline

Premier niveau

Vers deux ans ou deux ans et demi, l’enfant n’a pas l’intelligence suffisante pour comprendre tout ce qui lui est demandé. C’est le moment où sa volonté se forme. Étant guidé par ses pulsions intérieures, il ne peut pas rester tranquille. En effet, il n’en comprend pas la raison. Il le fera pour faire plaisir à la personne qui le lui demande, mais il sera incapable de demeurer ainsi durant un long moment, car sa pulsion est plus forte.

Deuxième niveau

À un moment, (l’âge varie d’un enfant à l’autre) l’enfant va comprendre ce qui lui est demandé. Il va alors pouvoir l’accomplir Toutefois, sa volonté n’est pas encore assez forte pour qu’il puisse respecter longtemps son engagement.

Troisième niveau

Une fois que la volonté de l’enfant s’est bien développée, il peut comprendre et faire ce que l’adulte lui demande. À ce stade, il lui est toujours possible d’obéir, quel que soit ce qui lui est demandé. L’enfant a acquis le contrôle de lui-même et montre une véritable discipline intérieure. Il est très enthousiaste à l’idée de faire ce que l’adulte lui demande et a totalement confiance en lui. Il serait prêt à faire n’importe quoi pour lui. Il est donc très important de ne jamais abuser de cette confiance aveugle. À ce stade, l’enfant est capable d’être responsable de la classe et il semble ne plus avoir besoin de la présence de l’adulte.